Ma voix résonne dans le petit emplacement alors que les silhouettes indistinctes se mélangeaient, devenaient une seule. Tous des clients qui souhaitaient un dernier round avant que le bar ne ferme ses portes. Rictus sur les lèvres. Il y apparaissait souvent, ce rictus, mais un vrai sourire ? ((mirage))

En arrière-plan, le grondement du tonnerre. L'orage toujours prêt à éclater, adrénaline dans les veines pour survivre et voilà pour vous, demoiselle fausse révérence et ses joues qui s'empourprent. Est-elle célibataire ? Pas d'alliance. Mais bien trop emportée par les volutes d'éthanol pour que ses décisions lui reviennent réellement. ((Je ne suis pas ce type de monstre)) non, je suis celui qui se tapit dans les ruelles quand la lune s'accroche dans le ciel et nous surveille, lune moqueuse qui regarde ce que nous sommes devenus ici-bas. Je suis le prédateur, les tremblements, les fondations qui s'ébranlent. Le ciel qui se déchire.
Mais je ne vole pas la possibilité de refuser.  

On aurait pu presque croire qu'il y avait trop de personnes attablés au comptoir, en attente de leur boisson ; mais avec les années, j'ai développé une certaine vitesse que les nouveaux employés ne peuvent rivaliser contre ((effiacité impossible à nier)) et je m'y plais bien, ici, dans cette petite décoration (blanchir l'argent). Et quand tout le monde est servi, il s'agissait de ... Merde. Le bruit du verre sur le sol provoque une vague de sursaut Ce n'est rien, ce n'est rien !  Aujourd'hui encore, je ne me suis pas complètement adapté à la vision complètement absente de mon oeil droit. Cet oeil dont seule la paupière et les grandes lacrymales réagissent toujours. Enfin, le globe occulaire suit les mouvements qui sont ordonnés, mais aucune image n'est formée. Aucune information n'est relayée. Que le noir. Et ma perception des profondeurs s'en est trouvée terriblement affectée. Les incidents de ce genre sont fréquents, désormais. Mais je m'améliore.

(bref)
Nettoyer. Fermer le bar quand les gens partent. La routine. Pour ne pas laisser l'orage éclater. Pour préserver la colère bien enfermée sous l'épiderme, que ça ne soit que des picotements électriques, non pas des explosions. Un, deux, trois. Toujours revenir à compter. C'est une vieille habitude que je n'ai jamais perdu. Mentalement compter pour se recentrer, retrouver là où j'en étais. Les comptoirs propres, la caisse comptée et verrouilée, c'est l'heure de sortir et de s'abandonner aux étoiles au-dessus de nos têtes. Si douce, la brise qui caresse le visage, si agréable sur l'épiderme, pour chasser les pensées. Mais les silhouettes dans le coin de l'oeil qui emballent le myocarde et l'impression d'être suivi en permanence qui rattrape rapidement. Je ne serais jamais en paix.
(Mais je mettrais ce monde à feu et à sang pour les protéger si c'était nécessaire, éternellement mon but de leur offrir un univers dans lequel ils peuvent exister et rayonner sans limites)

Mon dos appuyé contre le revêtement froid et dur, mon oeil qui essaie de percer les ténèbres qui ne sont pas éclairées par ce lampadaire grésillant, mettre de côté tous les stimuli parasites (les voitures au loin, les discussions aux éclats parfois bruyants d'adolescents ivres, les freins et les sirènes) pour se concentrer sur la situation devant moi. Toutes les nuits, ne jamais assumer que le mouvement est une fabrication de mon esprit. Je ne peux pas nous mettre en danger en reléguant aussi aisément ce qui me provoque un tel sentiment d'insécurité. Le bar est fermé. T'es arrivé trop tard. Bientôt, l'aube viendrait à nous.

Dans le corps, décharges électriques.
Adrénaline si puissante. ((Absence de peur))
Absence de courage par extension parce que le courage provenait de la peur. Mais ce n'est pas grave.
Je n'ai pas besoin de connaître la peur.
((J'aimerais))

Aurait-il fallu que je me ratatine, que je tremble de peur, que je m’écrase ? Que ta voix m’étrangle et m’intimide ? Parce que tout ce que je parviens à ressentir, c’est que tu n’es pas à ta place, ici. Que tu t’enfonces dans un univers qui ne sera pas forcément accueillant, si tu cherches un peu trop la discorde. Tu sais, le soleil ne se lève jamais dans cet endroit. Peut-être que dans le ciel, ses rayons caressent les nuages, mais dans les cœurs des ordures qui y traînent, la nuit est d’une profondeur impressionnante et surtout, éternelle. Alors face à toi, je me contente simplement de me redresser et passer une main dans mes cheveux, légèrement les replacer, rictus aux lèvres. Je n’offrirais jamais aucune mesure de respect à quiconque chercher à m’intimider ((encore moins quand celui-ci provient d’un endroit que j’ai enflammé, enfoui six pieds sous terre, dont je me suis émancipé pour notre propre sécurité)).

Incliner la tête, te dévisager un peu, une seconde, peut-être deux, avant de jeter un coup d’œil aux ombres qui ne cessent de se mouvoir tout autour de nous (irréelles) ; je ne laisserais pas l’océan de murmures me déconcentrer de notre apparente discussion. D’une menace à peine voilée qui me pousse simplement à hausser les épaules. Oh, tu sais, les heures habituelles pour un bar. Qui ferme ses portes aux petites heures du matin. Ce n’était rien de nouveau. Il y a ces étincelles, sous l’épiderme et l’amusement aux lèvres. Parce qu’il m’est complexe de prendre qui que ce soit au sérieux, même lorsque ma vie se retrouve sur le fil (provoquer les mains qui me massacraient des années auparavant, quand j’ai cru pouvoir m’échapper de l’abysse dans lequel j’avais plongé, pieds joints, volontairement). Adrénaline comme survie.

Je nage avec les piranhas, pourquoi craindrais-je les requins ? Âme vendue au diable, duquel je ressemble bien trop ; un démon sous apparence d’être humain (yokai peut-être, même, qui sait ?) peut-être que quelque part dans ce sang traîne une essence surnaturelle, malveillante et condamnatrice. Qui suis-je pour prétendre que c’est impossible ? Avec la noirceur et la brume qui m’étranglent, m’entourent, me ligotent et me dirigent. Ça ne me surprendrait même pas. Désolé de te décevoir, je ne suis qu’employé. Mais ce serait être complètement idiot et insensible aux intonations que de croire que je m’excusais réellement. Plonger mon œil (l’autre suivant par automatisme, donnant toutes les impressions d’être fonctionnel, illusion) dans le tien et ; Pourquoi ? Tu voulais m’inviter prendre un verre ?

Le petit rire qui s’échappe de mes lèvres et mes pas qui me distancent de toi. Je n’ai pas pu m’en empêcher ; c’est dans ma nature, il ne faut pas trop m’en donner. C’est ce que je suis devenu. Ce sont les terribles conséquences de mes propres actions ; monstre reflété dans chaque surface, esprit empoisonné jusqu’à la racine. Mais ça ne m’empêchera pas de protéger les jumeaux, quitte à me condamner encore davantage. what have i done, and who have i become ? // I’m on the wrong side of heaven and the righteous side of hell ((je ne suis pas un héros, j’emprunte advantage les traits aux vilains des histoires, alors autant s’amuser au passage))